État des lieux de la formation

Qui sont les formateurs ? 

Le vocable formateur d’enseignants fait référence à une diversité de métiers et de missions : des formateurs détenteurs ou non d’une certification (CAFIPEMF dans le 1er degré et le CAFFA dans le 2nd degré[1]) détachés à temps plein ou déchargés partiellement d’activité d’enseignement ; les inspecteurs qui concourent à la formation des enseignants et des enseignantes et qui pilotent la formation des formateurs à une échelle plus locale ou régionale, disciplinaire ou transversale ; des conseillers en ingénierie de formation qui conçoivent des modules ou parcours de formation et en assurent le suivi dans les EAFC ; des enseignants-référents ou des cadres-référents amenés à intervenir auprès d’équipes enseignantes, de personnels d’encadrement et de direction ou en formation sur des objets spécifiques (l’inclusion scolaire, les mathématiques…) ; des enseignants détachés et des enseignants-chercheurs qui forment les enseignants dans les INSPE[3] en formation initiale mais également dans des cursus comme les Masters « ingénierie et conseil en formation ». 

Depuis 2015, un référentiel de compétences (2015) définit quatre grands domaines pour aider le formateur à « se penser et se situer de manière autonome dans le cadre de la profession – définie par des normes, des règles, des valeurs – pour aider la personne en formation à se construire professionnellement en développant sa réflexion et sa liberté d’initiative. »

La formation continue collective

Le choix de documenter en priorité la formation collective a été notamment motivé par le renouvellement du paysage de la formation depuis 2018, suite aux constats établis par de nombreuses analyses ou rapports institutionnels, mettant en avant un certain nombre de faiblesses au sein de la formation continue des enseignants : « En pratique, la formation continue ne touche toujours pas l’ensemble des personnels, elle est encore souvent perçue comme une prescription descendante peu connectée aux besoins réels rencontrés au quotidien et les personnels sont peu acteurs de leur développement professionnel. Les personnels d’éducation sont moins formés en France que dans les pays de l’OCDE. » (CNESCO, 2020) Ces rapports soulignent la priorité renforcée en direction de la formation pour accompagner les réformes mais questionnent également leur impact sur les pratiques d’enseignement. 

Le rapport des inspections générales (2018) proposait un changement de paradigme : passer d’un modèle de formation descendant et qualifié de « hors-sol » à un modèle permettant le développement professionnel et personnel des enseignants. Plusieurs éléments sont ainsi mis en avant dans la définition d’une formation continue plus efficace : la capacité à former à partir des besoins et attentes des enseignants dans des contextes situés et une cohérence renforcée des acteurs de la formation à l’échelle nationale, académique et locale. Ces orientations données à la formation supposent une évolution de l’expertise des métiers de la formation et de l’accompagnement. Elles s’inscrivent dans les politiques de transformations de l’action publique du New Public Management, approche internationale de réformes des administrations publiques qui s'est développée dans plusieurs systèmes éducatifs au début des années 2000. Cette politique publique s’appuie sur le pilotage par des indicateurs chiffrés, l’analyse des résultats des élèves aux évaluations standardisées dans un objectif de performance et de rationalisation des moyens. Ces orientations données à la formation impactent l'activité des formateurs et peuvent générer des tensions que nous avons pu pointer au sein de notre observatoire.  

Une diversité de modalités d’organisation collective de la formation se déploie selon des dispositifs spécifiques : les animations pédagogiques qui correspondent aux heures de formation obligatoire faisant partie du service des enseignants dans le 1er degré, les constellations inspirées du modèle internationale des lessons studies (format de formation pour 6 à 8 enseignants alternant pratiques de terrain, échanges entre pairs et apports théoriques, et se caractérisant par des boucles itératives de co-conception des séquences d’enseignement, de co-observation, de co-débriefing puis une nouvelle étape de co-conception, etc. ) mises en place par les plans mathématiques (2018) et français (2019) dans le 1er degré, les stages de formation d’initiative locale (FIL) , les formations dédiées réseaux d' Éducation Prioritaire. 

Par ailleurs, force est de constater que de nombreux acteurs de corps et de statuts différents interviennent dans la conception et la mise en œuvre d’un dispositif de formation. Le formateur se situe à l’interface entre ceux qui prescrivent et organisent l’offre de formation à différents niveaux du territoire, ceux qui interviennent dans sa conception et sa mise en oeuvre (formateurs, coordonnateurs, partenaires) et ceux à qui ces formations sont destinées (enseignants et élèves) - chaque acteur ayant ses propres contraintes de travail. 

Former n’est donc pas simplement l’affaire des formateurs et implique de véritables collaborations entre pilotes, métiers d’appui à la formation, formateurs et professionnels de terrain. (P.Picard et R.Guyon, 2024 AFAE). 

                                                          Agir à plusieurs échelles pour la réussite des élèves (CAS)

Former des formateurs ?

La formation des formateurs emprunte plusieurs voies. La formation continue se déploie à l’échelle nationale, académique et départementale. Dans les académies, elle est organisée dans le 1er degré par des inspecteurs et des CPD[1] et dans le 2nd degré, au sein des EAFC, par des inspecteurs d’académie - inspecteurs pédagogiques régionaux, des ingénieurs des ingénieurs de formation. L’ Éducation nationale mobilise également des partenaires institutionnels (les INSPE, ou l’IFÉ par exemple) mais également des opérateurs privés pour contribuer à ces formations. 

Les formateurs peuvent également se former et développer leurs compétences dans le cadre de parcours universitaires. De nombreux INSPE proposent désormais des masters « Ingénierie et pratiques de la formation » ainsi que des diplômes d’établissement ou diplômes universitaires dédiés à ces métiers. L’IFÉ-ENS de Lyon propose un DE « Passeur en Éducation » depuis 2019.

Dans d’autres espaces, des associations de formateurs comme l’ANCP&AF [2] organisent des congrès et des formations destinés à leurs adhérents. Les formations syndicales font également partie du paysage de l’offre de formation des formateurs qui reste malgré tout inégalement répartie sur le territoire, pas toujours bien connue par les formateurs et reconnue par l’institution. 

Il est à noter que dans l’ensemble diversifié de l’offre de formation institutionnelle de la formation de formateurs, les propositions relèvent davantage de formations disciplinaires que de formations à l’analyse de leur travail. Celles qui s’appuient sur des analyses de pratiques disposent rarement de ressources de vidéoformation documentant des situations professionnelles authentiques.

Développer des ressources pour la formation de formateurs donnant accès au métier par l’analyse fine de situations professionnelles, l’identification de questions vives (au sens de partagées dans une communauté professionnelle) nourries par une diversité de points de vue, nous semble une façon d’alimenter à grain fin la transformation de la professionnalité des formateurs sous l’effet des différentes contraintes évoquées mais aussi de leur redonner du pouvoir d’agir et des marges de manœuvre dans l’ordinaire de leur travail (Clot et Simonet, 2015) pour leur propre développement professionnel. 

Références