La conception de NéopassForm@tion

L’originalité de la conception de la ressource dans le programme 

Au sein du programme Néopass (Ria, 2022), l’originalité du projet tient en plusieurs points. Le premier est la constitution d’un recueil facilité, grâce à un réseau de formateurs familiers des travaux de l’IFÉ-ENS de Lyon, et de l’usage de ressources de vidéo formation. Ainsi, les premiers recueils ont été réalisés par des formateurs volontaires sur des initiatives individuelles, en prise directe avec leur activité ordinaire. 

La seconde originalité réside dans l’existence d’un réseau d’usagers déjà constitué et structuré avec des attentes redoublées dans le contexte politique actuel, au sein des réseaux de la formation continue dans les Écoles Académiques de la Formation , les INSPE et les universités qui proposent des masters « Ingénierie de la formation. »

La dernière originalité tient de la composition du groupe de concepteurs à l’initiative du projet. Les professionnels engagés sont des chargés d’études du centre Alain-Savary, dans le cadre de leur activité de formation de formateurs et de production de ressources. La conception s’appuie ainsi sur une connaissance fine de la recherche et du travail des formateurs sans l’appui de chercheurs directement impliqués dans le recueil et le traitement des données. 

Les visées de la conception sont doubles : une visée épistémique en documentant les questions de métier du formateur dans l’accompagnement de collectifs. Les données empiriques sont rendues intelligibles par les analyses croisées des professionnels et par des connaissances issues des recherches. 

La seconde visée est de nature transformative dans la mesure où les concepteurs cherchent à soutenir le développement professionnel des formateurs et des professionnels qui les accompagnent. 

Ancrage théorique et méthodologique

Nous nous inscrivons dans une approche théorique et méthodologique orientée activité mobilisant des cadres théoriques pluriels. Nous reprenons ici à notre compte la formulation du cadre de conception, proposée par Mouton et Flandin (2016). 

« Les potentielles incompatibilités théoriques (cours d’action, clinique de l’activité / ergonomie de l’activité,  didactique professionnelle – voir Durand, 2009) ont été dépassées, comme dans le projet NéoPass@ction, par la définition d’un cadre pragmatique de conception et de production de cette ressource fondé sur des principes communs : 

(i) le choix d’une « entrée activité» héritée de l’ergonomie de langue française, avec une analyse basée sur l’observation des situations de travail ordinaires, habituelles et accordant le primat à la subjectivité́ des acteurs (Barbier & Durand, 2003) ; 

(ii) une conception du travail qui ne se réduit pas à l’exécution de ce qui est prescrit (Wisner, 1995) mais qui consiste avant tout à surmonter des obstacles qui n’ont pas été formalisés dans la prescription, obstacles qui constituent typiquement des épreuves parfois coûteuses pour les débutants et qui peuvent parfois mettre en difficulté́ les professionnels expérimentés ; 

(iii) le rejet d’une approche surplombante guidée uniquement par des catégories préconstruites par la recherche pour analyser les situations de travail, au profit d’une approche compréhensive située (Veyrunes, Bertone, & Durand, 2003). »

— Mouton et Flandin, 2016, p 154
 

Les ressources de NéopassFormation sont constituées de situations ordinaires de formation identifiées comme typiques au sens de reconnues, partagées par une communauté professionnelle et parfois critiques : la co-conception d’une formation en intermétiers, un temps d’apports de références théoriques en formation, l’analyse collective d’une séance d’enseignement, la construction d’un objet de travail avec des enseignants, la gestion d’un désaccord en formation… 

Plusieurs critères ont présidé à la sélection des situations de travail. La convergence avec le référentiel de compétences du formateur - sans s’y restreindre, ni recouvrir complètement ce cadre - et l’identification d’une préoccupation de métier forte, sur la base d’un dialogue entre les chargés d'études du CAS et les formateurs donnant à voir leur travail. La conception se déploie dans un cadre contractualisé entre le CAS et les formateurs volontaires. Elle est matérialisée par un cahier des charges adressé aux formateurs ainsi qu’à leur hiérarchie. Les enjeux, la nature de la collaboration ainsi que la méthodologie de recueil y sont explicités. Une autorisation de captation audiovisuelle et d’exploitation du droit à l’image et à la voix est systématiquement signée par les professionnels filmés et formalise le contrat éthique de la collaboration.

Plusieurs catégories de données ont été recueillies : 

  • Des enregistrements audiovisuels de situations de travail. Les extraits ont été sélectionnés soit par les chargés d’études comme des séquences significatives du métier de formateur, soit par les formateurs filmés, comme des moments significatifs emblématiques ou problématiques en formation.

  • Des enregistrements d’entretiens d’autoconfrontation simple à partir des ces extraits de situations de travail au cours duquel les formateurs déplient à grain fin leur activité. La sélection d’extraits issus de ces entretiens met en exergue les intentions, les préoccupations et parfois les dilemmes mis en mots par les formateurs.

  • Des enregistrements d’entretiens d’autoconfrontation croisée avec le formateur filmé et un pair permettant l’émergence de premières controverses professionnelles mais aussi d’échanges sur les différentes manière d'appréhender le métier.

  • Des enregistrements d’entretiens d’alloconfrontation entre formateurs, parfois en présence du formateur filmé, dans le but d’élargir l’analyse de la situation et de faire émerger des règles de métier.

  • Des entretiens de formateurs expérimentés, de chercheurs ou bien encore de professionnels éducatifs qui interviennent dans le pilotage de la formation ont été réalisés à partir du visionnage de la situation de référence et des extraits des entretiens d’autoconfrontation. Ces regards apportent des analyses complémentaires sur l’activité des formateurs et sur les objets disciplinaires, transversaux et éducatifs qui sont au cœur des situations de formation (l’oral, la résolution de problème, la collaboration enseignant-AESH, le climat scolaire, l'enseignement de la compréhension …).

Les concepteurs ont sélectionné des extraits de la situation professionnelle et des différents entretiens, selon les critères énoncés plus haut. Chaque situation a été renseignée par un contexte précis afin de positionner l’extrait choisi dans un contexte situé et une ingénierie globale.

Chaque extrait d’entretien d’autoconfrontation a été titré par un verbatim. Les textes d’analyse qui accompagnent ce premier corpus de ressources visent à rendre accessibles à un tiers les intentions et les préoccupations de formateurs ainsi que les tensions et dilemmes qui se posent à eux dans la situation.

Les autres capsules vidéo (les regards de pairs et les regards complémentaires) ont été nommées en fonction du thème principal abordé et ce dans le but de guider le futur usager dans le visionnage des matériaux. La consistance et la justesse des matériaux recueillis et des premières situations professionnelles sélectionnées ont été validées par les formateurs à qui nous avons présenté ces éléments. 

À partir des l’ensemble des points de vue portés sur la situation, les concepteurs ont dégagé plusieurs axes thématiques qui constituent des portes d’entrée dans les situations. Ces axes d’analyse renvoient à des questions professionnelles situées qui ont nécessité des arbitrages de la part des formateurs en contexte. Ces arbitrages peuvent se discuter dans le métier, y compris pour des formateurs expérimentés.

Un exemple : les ressources de la situation intitulée “Anne fait des apports ” permettent de mettre au travail différentes questions professionnelles à partir des points de vue croisés. 

  • Sélectionner des références théoriques
  • Traduire et mobiliser ces références
  • Articuler expériences et savoirs théoriques
  • Construire des connaissances sur le langage

Les usages en formation

Accompagner les formateurs de formateurs à problématiser l’expérience des formateurs d’enseignants par le biais de l’analyse du travail, constitue l’enjeu majeur de cette ressource.

En visionnant ces vidéos, entre formateurs, on pourrait être tenté de limiter l’analyse à un jugement de valeur sur les démarches mises en œuvre ou sur les tâches proposées. Ce faisant, on risque d’analyser l’action des autres en fonction de nos croyances, de notre expérience, de nos représentations de ce que doit être la formation. Ou bien de faire comme si dix minutes de l’activité en formation suffisait à comprendre le travail du formateur et ses intentions. Ou bien encore de faire comme s’il existait un référentiel de bonnes pratiques, en sous-estimant la complexité et la variabilité des situations et des contextes. 

Nous vous invitons à postuler du principe de la "cohérence de l’action" des formateurs qui donnent à voir leur travail, pour verbaliser et analyser précisément les problèmes qu’ils ont à résoudre en formation ; prendre le temps de comprendre la nature de leurs contraintes mais aussi de leurs difficultés et des raisons qui sont à l’origine de leurs choix ; et d’envisager des alternatives utiles et acceptables en contexte.

Les ressources proposées dans l’onglet outils ont été conçues dans cette perspective, pour accompagner les usages de la ressource NéopassForm@tion. 

Référence

  • Ria, L. (2022). Analyse du travail à des fins de formation : observatoire, méthodologie, co-conception et portage institutionnel dans le cadre du programme Néopass©. In B. Albero & J. Thievenaz (Eds.), Enquêter dans les métiers de l’humain. Traité de méthodologie de la recherche en sciences de l'éducation et de la formation. Éditions Raison et Passions (p 338 à 350). Tome 3.
    https://journals.openedition.org/activites/2604?lang=en